Mingalaba !
On n'a pas donné de nouvelles pendant un petit moment, car l'internet au Myanmar était compliqué voire impossible par endroits. Voici donc un aperçu de notre séjour dans ce magnifique pays, auquel on regrette rétrospectivement de n'avoir consacré que deux semaines : il était une fois au Myanmar, mais on espère bien qu'il sera deux fois au Myanmar...
6 janvier, 8h (½ h de décalage avec la Thaïlande) : arrivée à Yangon (ex-Rangoon), Myanmar (ex-Birmanie). Dès la première minute, l'impression est saisissante : avez-vous déjà vu un aéroport entièrement vide, où votre avion est quasiment le seul posé, et où aucun autre n'atterrit ni même ne stationne ? A l'intérieur, c'est la même chose. Une seule file à l'immigration – la nôtre – et un seul tapis délivrant des bagages – le nôtre. Tout est rutilant et flambant neuf mais... vide. Le passage des douanes se fait sans problème, heureusement, car on avait lu que notre ordinateur portable pouvait nous faire passer pour de perfides journalistes anti-junte militaire et être confisqué... Nous voilà donc sortis et soulagés. Autour de nous, presque tous les hommes et toutes les femmes portent le longyi, la tenue traditionnelle, large tissu qui descend jusqu'aux chevilles et que l'on noue à la taille sur le devant. Le Myanmar est le seul pays d'Asie du sud-est où la majorité de la population n'est pas habillée à l'occidentale. Les femmes et les enfants portent également sur le visage la thanaka (pigment tiré d'une écorce mélangé à de l'eau pour former une pâte), maquillage traditionnel servant aussi de protection solaire.
Le trajet en taxi jusqu'à notre hôtel se fait « à la birmane », c'est à dire en roulant à droite, mais avec le volant également à droite. Très pratique. Cela est dû au fait que le gouvernement, pour se démarquer de l'ancien colonisateur britannique, a instauré du jour en lendemain en 1970 la conduite à droite, mais la plupart des voitures – par ailleurs des épaves – sont de vieux modèles datant d'avant 1970 ou importés du Japon... Autres particularités, l'électricité ne fonctionne que le soir et tous les hôtels doivent déclarer les noms et numéros de passeport de leurs hôtes chaque soir sous peine de perdre leur licence.
La journée continue avec son lot d'étonnements lorsque nous allons changer nos dollars en kyatts, ce que l'on ne peut faire que dans le pays, et au noir, puisque la monnaie n'est pas cotée en bourse, et il n'existe aucun distributeur de billets. On arrive donc dans un grand hôtel où l'on nous fait asseoir discrètement, avant de prendre nos deux billets de 50 dollars. Après quelques minutes, une femme entrebâille une porte rapidement pour nous tendre 2 grosses liasses de billets de 1000 kyatts. Etant donné que ce changement d'argent est parfaitement légal, nous ne comprenons pas très bien, mais bon... Il ne manque qu'Al Capone et quelques gardes du corps et on s'y croirait !! Les hôtels et parfois les taxis se payent en dollars, mais tous les billets légèrement froissés, cornés, vieillis, etc. sont systématiquement refusés...
Après ces démarches, on part se balader dans Yangon. Chaleur accablante. Beaucoup de pauvreté. Les façades des immeubles, bien que très jolies, dans le style colonial, sont délabrées, les trottoirs défoncés, parfois jonchés d'ordures et de crachats rouges de betel (mélange de noix de betel et de chaux éteinte enroulé dans une feuille, que les hommes mâchent ; beaucoup en ont les dents tachées).
Enfin, on se garde le morceau de choix pour la fin : la Paya Schwedagon, monument le plus sacré du pays. Son stupa domine la ville de ses 98 mètres et de sa splendeur dorée. Il est entouré de centaines de petits stupas, de pavillons et de niches abritant des bouddhas de toutes tailles... Après s'y être largement promené, on s'assoit pour admirer le soleil couchant. Trois moines viennent près de nous et se mettent à nous parler pour l'un d'eux dans un excellent anglais. Nous discutons de leur vie, de la méditation, de voyages, de football. Puis du Cyclone Nargis (2 mai 2008) et de la grande pauvreté dans laquelle s'est retrouvée la population ensuite : le prix de la bouteille d'eau par exemple était passé de 300 à 2000 kyatts (1000 kyatt = environ 1 dollar). A ce moment-là, un passant semble écouter la conversation. L'un des moines dit à l'autre quelque-chose en birman, et ce dernier change alors de sujet : les moines sont particulièrement surveillés depuis qu'ils avaient mené la « Révolte Safran » en août 2007. Bienvenue en dictature du Myanmar...
7 au 9 janvier : Myan... marre, Bouddha continue de nous tester. Lionel est malade. Presque 40 degrés de fièvre la nuit de notre arrivée... On pense qu'il a attrapé la grippe avec les variations de température entre la climatisation glaciale de l'aéroport et l'énorme chaleur de Yangon. On devait prendre le bus de nuit pour Mandalay le lendemain : on est contraints d'annuler... Le soir, sa fièvre ne tombant pas, on commence à être franchement inquiets : de tout notre voyage, il n'y avait pas pire endroit pour tomber malade ! On trouve dans le Lonely Planet l'adresse d'une clinique qui semble bien : nous voilà partis, Lionel fiévreux et Virginie angoissée... La clinique est toute petite mais inspire confiance : neuve, moderne, personnel parlant parfaitement anglais. Un docteur examine Lionel et diagnostique aussi une grippe, mais l'infirmière lui fait quand même une prise de sang pour vérifier que ce n'est pas le palu ou la dengue... Les résultats se révéleront négatifs, ouf !
Tout ça s'est finalement soldé par 3 jours bloqués dans notre chambre d'hôtel à Yangon, passionnant ! Ah, si on s'était fait vacciner... Du coup avec le temps qui nous reste, c'est trop juste pour faire tout notre programme, on décide donc de partir directement pour Bagan ; on n'ira pas à Mandalay : adieu trajet en bateau sur l'Ayeyarwady (l'un des plus longs fleuves d'Asie, reliant notamment Mandalay à Bagan)...
10 au 13 janvier : La nuit dans le bus est éprouvante. Départ à 15h, dîner à 17h puis 2 heures de feuilletons birmans auprès desquels « Hélène et les Garçons » fait figure de chef d'oeuvre du petit écran, descente du bus à 23h30 pour un contrôle des passeports et Lionel qui pique un sprint après un autre bus en croyant que c'était le nôtre qui repartait sans nous, et enfin un arrêt « petit-déj/ brossage de dents » à 2h du matin (véridique, une vingtaine de Birmans sont descendus du bus, armés d'une brosse à dent dans une main et du dentifrice dans l'autre !). A 6h, nous voilà enfin à Nyaung U, ville sur le site des temples de Bagan.
Quel dépaysement ! On a l'impression d'être arrivés au bout du monde et dans une autre époque. Dans la ville, des chars à boeufs et des carrioles à cheval côtoient toutes sortes de véhicules à moteur de fabrication plus qu'artisanale et nombre de vélos. Pendant tout notre séjour ici, on a d'ailleurs visité tous les temples à vélo, seuls ou avec d'autres français (fait incroyable : 90% des touristes qu'on croise ici sont français !), passant de l'un à l'autre par de petits chemins de sable. C'était super. Lionel était comme à la maison entre la végétation qui faisait parfois méditerranéenne et les cochons sauvages qui faisaient corses ! On a aussi fait une belle excursion en bateau sur l'Ayeyarwady, moment magique où l'on a observé la vie sur les rives... Lionel a même pris sa douche à la birmane, dans le fleuve !!
Bagan est vraiment un site unique et impressionnant de beauté : imaginez plus de 2000 temples, construits entre 1050 et 1300, répartis sur une plaine de 42 km2. Certains sont connus et relativement touristiques – tourisme qui reste quand même très discret, en tout cas cette année – mais d'autres sont sauvages, envahis de végétation et donnent vraiment l'impression que l'on est un Indiana Jones de passage... ! Les couchers de soleil sur les temples sont tout simplement inoubliables.
Ici aussi on a eu l'occasion de parler avec des Birmans, qui se livrent finalement plutôt facilement dès qu'ils le peuvent. L'accès à l'éducation semble beaucoup concentrer leur amertume : un homme qui nous faisait visiter un monastère nous a expliqué que l'école est payante au Myanmar, contrairement à ce que dit le gouvernement, et que donc beaucoup de familles pauvres ne peuvent pas y envoyer leurs enfants. Seulement 0,5% du PNB est consacré à l'éducation, 8 fois moins qu'à la défense... Toujours pratique de maintenir un peuple dans l'ignorance... Beaucoup de jeunes enfants deviennent donc moines ou nonnes novices, ce qui permet aux parents d'avoir une bouche de moins à nourrir, les moines vivant de la mendicité, et de leur faire bénéficier d'une éducation gratuite. Ils ont ensuite le choix de reprendre une vie normale ou de poursuivre la vie monastique.
14 au 18 janvier : Une journée passée dans un vieux bus délabré (départ 3h30 du matin, arrivée 16h30 pour parcourir 200 km) à travers campagnes, villages et montagnes et nous voilà à Nyaungshwe, petite ville proche du Lac Inlé. Malgré un tourisme un peu plus développé qu'à Bagan, la vie des villages que nous avons visités semble se dérouler de la même façon depuis des siècles. Fabriques artisanales familiales transformant le riz en nouilles et en galettes, le tabac en cigares, le bambou en paniers ou en nattes, le bois de teck en barques, la soie, le coton ou la fibre de lotus en tissus, le minerai d'argent en bijoux, le bout de ferraille en couteaux ou en outils : on a pu voir l'évolution de tous ces objets, de la matière première au produit fini. Les gestes sont ancestraux, chacun produit ses spécialités et vient ensuite les échanger ou les vendre sur les marchés. Là se croisent ceux des montagnes, de l'ethnie des Taung, et ceux du Lac Inlé, de l'ethnie des Intha. En nous promenant en canoë à rames, en bateau à moteur ou à pieds, on a rencontré ces villageois et vu les plantations dans les jardins flottants (tomates, concombres, fleurs, etc.), et dans les montagnes (blé, bananes, sésame, haricots, mangues, patates, avocats, etc.). A chacun de nos passages, une nuée de petits enfants nous accueillaient en criant «
tata, tata !! » («
salut, salut ! »)...
Sur les canaux adjacents au Lac Inlé, il y a plusieurs villages entièrement flottants : maisons sur pilotis, crèche et école sur pilotis, gens qui se déplacent d'un endroit à l'autre en barque. La vie se passe entièrement sur l'eau et les enfants apprennent probablement à ramer en même temps qu'à marcher ! Sur le lac lui-même, l'atmosphère est irréelle, l'eau et le ciel se confondent, les rives apparaissent à travers une brume ensoleillée et par-ci par-là on voit les silhouettes des pêcheurs Inthas en train de ramer de leur manière si particulière : debout, en équilibre sur une jambe sur le bord de la barque, l'autre jambe enroulée autour de la rame, et ramant ! On a pas essayé...
Après un nouveau trajet en bus de nuit, une journée à Yangon et un vol rapide, nous voilà maintenant fatigués, mais revenus à Bangkok. Pour la troisième fois en un peu plus d'un mois... On commence à avoir l'impression de revenir « à la maison » ! Après-demain, départ pour la frontière cambodgienne puis les temples d'Angkor...
A bientôt !
Virginie et Lionel